Le Sanctuaire hippie de Vashish au Nord de l’Inde
Extrait du livre « Et si c’était mieux là-bas ? »
“Manali enfin! J’ai cru que nous n’arriverions jamais. Nous nous rendons directement aux sources d’eau chaude. Nos corps fatigués se détendent et nous savourons le fait d’être toujours en vie après ce périple.
Reposés, nous montons à Vashish, un peu plus haut dans la montagne, c’est un petit village avec de jolis temples, c’est aussi un sanctuaire hippie. Dès notre arrivée, un Indien nous invite à fumer le shilom, nous pénétrons dans une pièce sombre où cinq types, les yeux injectés de sang, se le passent, accroupis sur une natte crasseuse.
Nous n’avons pas envie de fumer avec eux mais je leur achète une tola(1) de charras, nous fonçons ensuite au mountain view, manger des momos(2). Le restau est plein de hippies, je suis habillé comme d’habitude d’un jeans et d’un pull ; c’est une tenue simple avec laquelle je suis à l’aise partout et avec toutes les couches sociales. Ils sont gentils, les baba cool mais je n’ai plus grand chose à partager avec eux ; ils mènent la vie du hippie de base en traînant leur sac d’hôtel miteux en hôtel miteux, en quête d’une combine pour payer encore moins cher ou pas ce qui coûte déjà une misère, passent la journée à fumer des joints. Certains cherchent leur voie… Rien de bien exaltant. Ils végètent plusieurs mois avant de descendre, à la saison sèche, faire la même chose à Goa. Certains aiment à dire qu’ils ont « fait » l’Inde et expliquent combien en Europe nous sommes ignorants des vraies valeurs, mentionnant les Dieux et la mystique hindoue au passage. A la fin du repas, je sors mon couteau et épluche une pomme. Un grand maigre, blanc comme un bidet et vêtu d’une tunique indienne me dit « soutche a bigueu naïfe in soutche a picefoul countri ». Je lui dis de ne pas se fatiguer, qu’il peut me parler français. « T’as pas un shilom, j’ai cassé le mien » s’enquiert-il en jouant machinalement avec ses dread locks. Je lui propose un morceau de charras, il se roule un joint.
– Ca fait combien de temps que vous êtes en vacances ici ? me demande-t-il sur un ton paternaliste
Du coin de l’œil, je vois Sandrine lever les yeux au ciel.
– Ça fait plus de neuf ans que je voyage, ça doit être mon dixième ou douzième passage en Inde et toi ?
– Euh… ben moi ça fait un mois, c’est ma première fois.
Ça lui fait tout drôle. Pour lui, voyager implique de s’habiller comme un hippie, fumer toute la journée et parler de Dieux hindous. Chacun son truc.
Ce qui m’amuse c’est de voir comment les Indiens considèrent les hippies : combien de fois les ai-je vus rire au passage d’un baba cool avec sa chemise à fleurs, ses bijoux et ses cheveux longs « comme ceux des femmes » ; ils sont justes des Occidentaux bizarres faisant des trucs d’Occidentaux bizarres.
Un sâdhu descend en trottinant de la montagne. Il est suivi d’une fille vêtue d’un bout de tissu sale et troué autour de la taille, ses petits seins ballottent dans l’air froid, elle est maigre et crasseuse, ses cheveux sont coupés au couteau. Elle suit son gourou les yeux vides, le sourire béat.
Mon nouveau copain -qui a repris de sa superbe- me dit qu’elle est là depuis longtemps, elle a tout abandonné pour partir avec son gourou. « Elle a tout compris, il y a un nœud énergétique incroyable, ici » ajoute-t-il.
– Pourquoi tu n’y vas pas toi ?
– Heu… je ne suis pas encore prêt dans ma tête.”
1) Unité de poids en Inde
2) Sorte de raviolis tibétains