Category Archives: Chemin de Compostelle

15Mar/23

Aumont Aubrac – les Quatre Chemins – Nasbinal – St Chély d’Aubrac

Nous avons quelques jours de libre et comme nous habitons Toulouse, il est facile de reprendre le chemin où nous l’avions laissé la dernière fois.

Nous nous sommes équipés de nouvelles chaussures. En effet mes chaussures de montagne ne sont pas adaptées à ces chemins plats et tranquilles. Il me faut quelque chose de plus souple et léger, j’ai donc laissé mes Salomon pour des Scarpa achetées après de longs essayages au Vieux Campeur. Isa a opté pour des North Face de trail, légères et confortables.

Nous arrivons à Aumont Aubrac par un petit train.

Pour notre premier jour de marche, nous ne sommes pas vraiment gâtés par les paysages, les fortes chaleurs de cet été ont tout brûlé. L’herbe est jaune, pas une seule fleur.

Nous arrivons fatigués après seulement quatre heures de marche… il va falloir reprendre le rythme !

Une douche nous remet d’aplomb et nous nous installons à l’ombre pour discuter et nous étirer.

Le soir, nous sommes une douzaine au gîte et conversons agréablement autour d’un bon repas. Même si j’ai bu durant la journée, je vide un litre et demi d’eau fraiche presque d’un coup.

La dame du gîte vient s’asseoir avec nous, on parle un peu d’elle, de son parcours, du nôtre et puis elle a cette réflexion que je trouve intéressante : « Sur le chemin, les gens sont plus solidaires que sur les autres chemins de randonnées, il y a plus de bienveillance qu’ailleurs ». La tablée acquiesce.

Moi, je n’ai pas remarqué cela et lui demande où elle a déjà marché : « Nulle part, je ne suis pas vraiment une marcheuse » me répond-elle !  Elle n’a même pas fait le Chemin (juste une portion de quatre jours).

En fait, elle ânonne ce qu’elle a entendu ici ou là…

Je trouve qu’il y a de nombreux clichés sur ce Chemin. Beaucoup n’ont jamais fait de randonnées et trouvent formidable cette solidarité entres marcheurs. Mais elle existe partout en montagne et pour une raison simple. Nous sommes tous « frères et sœurs dans l’effort, dans la souffrance et puis aussi dans l’admiration de la beauté et dans le bonheur d’être arrivé ».

Nous partageons en général des valeurs communes. Lorsqu’on arrive dans un refuge, on se sert dans le stock de bois pour faire du feu mais ensuite on le reconstitue afin que le suivant puisse en profiter. On ne le connait pas, on ne l’a jamais vu et on ne le verra sans doute jamais. Mais on le fait, car ça fait partie des valeurs de solidarité que l’on retrouve en montagne. Plusieurs fois j’ai pris sur une portion de chemin le sac d’une personne en difficulté, je lui ai donné de l’eau ou j’ai partagé une barre de céréale. L’inverse s’est toujours vérifié aussi bien sûr !

Nous partons assez tôt ce matin car on annonce de grosses chaleurs.

Nous attaquons le plateau de l’Aubrac. Un haut plateau ouvert, ondulé, ponctué de blocs granitiques et de troupeaux, de lacs bordés de murets où le regard se perd à l’horizon…

Une nature rustique, brute et sauvage balayée par les vents. D’ailleurs, le vent est tellement fort aujourd’hui que nous devons marcher arc-bouté, nous devons crier pour nous comprendre et bien sûr il souffle de face !

Il n’y a pas d’ombre sur le plateau et le soleil tape dur. On ne le sent pas, mais il faut se protéger.

Nous arrivons fatigués mais heureux de notre journée.

Nasbinals est une jolie petite bourgade mais un trail annuel s’y déroule et tout était plein à l’exception du camping municipal. Le vent était déjà costaud lorsqu’on a monté la tente mais la nuit, une tempête s’est levée et nous n’avons quasiment pas fermé l’œil !

Pour sa première nuit en camping, Isa fut servie… vivement un bivouac 😉 !

Nous finissons à Saint-Chely d’Aubrac où Isa avait réservé une roulotte le long de la rivière dans un gîte. Malgré le lieu enchanteur, je ne me sens pas très bien. Je dors mal et me sens faible. Je ne le sais pas encore mais je rentre avec la Covid !

Je suis passé au travers durant toute la période critique et je l’attrape en pleine nature !

01Fév/23

Puy-en-Velay – St Privât d’Allier – Saugues

Très belle étape de 6h30, assez facile. Pas de vrais dénivelés, un magnifique paysage ouvert, légèrement vallonné par les vieux volcans auvergnats. Un superbe patchwork de différentes teintes de vert nous accompagnera jusqu’au plateau de l’Aubrac. Des champs de blé vert tendre, ceux de lentilles tirant sur le kaki et surtout des genêts jaunes flamboyants illuminent ce paysage.

Sans que le chemin soit encombré, on croise quand même pas mal de pèlerins.
Des groupes, des gens isolés, des marcheurs du dimanche avec leurs bâtons réglés trop courts ou trop hauts pour être efficaces, leurs sacs mal ajustés les tirant vers l’arrière, d’autres avec un bâton de bois. Il y a de tout.

St Privât d’Allier

En fin d’après-midi nous arrivons à St Privât d’Allier. Nous restons dans un gîte tenu par un couple d’Anglais avec une douzaine de personnes, l’ambiance est sympathique, le repas du soir simple et copieux. On dort en dortoir mais nous sommes isolés des autres par des rideaux.

Nous reprenons notre route. Les champs sont piqués de fleurs sauvages, jalonnés de pins, de bouleaux et de chênes moussus. De belles vaches paissent tranquillement dans des champs. Nous marchons avec plaisir en conversant. Isa, comme à son habitude, prend beaucoup de photos. Nous croisons une pèlerine qui à chaque calvaire rencontré, pose son sac, sort un petit papier et fait une prière… Vu le nombre, elle n’est pas rendue !

Journée de 6h, plus difficile en raison des dénivelés, jusqu’à Saugues.

Saugues

Nous faisons nos réservations au jour le jour mais devons modifier certaines étapes en les allongeant faute de place. Isabelle marche très bien mais aujourd’hui, après 9h, elle, toujours joyeuse et prête à discuter ne parle plus. Elle n’en pouvait plus et j’avoue que j’en avais assez moi aussi. Ce n’est plus du plaisir mais nous n’avons pas le choix : l’étape du Sauvage était full ! ! Le soir au resto, nous entendons deux Belges dire qu’ils rentrent car ils ne trouvent pas de place où dormir !

Nous arrivons à Saint-Alban-sur-Limagnole, un bel endroit, on est 7 dans un dortoir de 14 places. On prend souvent la demi-pension car il n’y a pas toujours de resto. Le soir, on se régale d’une délicieuse blanquette de veau puis nous nous écroulons sur nos lits.

 

Les maisons sont magnifiques par ici, de grosses bâtisses en pierres de taille avec toit en lauze.


Je pense que le fait que nous soyons un couple mixte fait que les gens nous remarquent et se souviennent de nous, ils nous saluent, nous disent qu’ils nous ont vu ici ou là… N’étant pas physionomiste (cela m’a joué suffisamment de tours dans ma vie professionnelle) je fais comme tous les commerçants, je souris, je salue jovialement, je dis que ça me fait plaisir de les voir et leur demande comment ça s’est passé pour vous aujourd’hui ?

 

Je suis un gros menteur, Dieu me jugera !

05Jan/23

Toujours Compostelle !

Le Puy-en-Velay n’est pas aisément accessible de Toulouse. Un avion jusqu’à Lyon, puis un train vers St Etienne et enfin le Puy.

Voyage long mais on n’est pas déçus. Après une journée passée à Lyon, nous arrivons au Puy. Jolie petite ville avec « Notre Dame de France », une Vierge de 22 mètres, toute en métal de canons fondus perchée sur un piton rocheux. 

Canon du Puy en Velay, Toujours Compostelle

En face, une petite chapelle plantée sur l’autre cheminée volcanique de la ville : Saint-Michel d’Aiguilhe : mignonne, fraîche et calme avec cette odeur de bougie fondue si caractéristique.

En fin d’après-midi, nous allons à « l’accueil pèlerins » nous y sommes reçus chaleureusement avec un verre de verveine (au Puy en Velay, on boit de la verveine en alcool, en pisse-mémé ou en boisson rafraichissante… et on mange des lentilles). 

Nous discutons avec d’autres pèlerins (ici, on n’est pas randonneur mais « pèlerin » ou « Jacquet »). Nous sympathisons avec trois Canadiennes et une Allemande qui est partie de Cologne et ira jusqu’à Compostelle : 4000 km ! 

coquille saint-jacques symbôle - Toujours Compostelle

Je retrouve des phrases toutes faites, des expressions que j’ai lues dans le guide ou sur Facebook, sur « Le Chemin », le Camino, on se souhaite « Buen camino », « Ultreïa » (une expression d’encouragement et de soutien entre marcheurs). J’entends parler de « l’appel du Chemin », de « l’esprit du chemin » ou encore de « l’esprit pèlerin »… J’écoute, je ne sais pas ce que cela signifie… le savent-ils eux-mêmes ?

Une des Canadiennes nous demande combien pèse notre sac, « je ne sais pas…  8 ou 9 kilos environ et le tien » ? Elle se redresse souriante « 7,2 Kg ». Une autre me dit fièrement « 6,4 Kg », la troisième « 6,8 Kg » … c’est l’une des grandes préoccupations (légitime) de beaucoup de pèlerins, presque une obsession. C’est là qu’interviennent les théories fumeuses « ton sac ne doit pas dépasser 10% du poids de ton corps » (ce qui est absurde) et le très commun « ce sont tes peurs que tu transportes avec toi dans ton sac » … Moi qui pars souvent en bivouac de plusieurs jours, parfois en haute montagne, je ne laisse rien au hasard, alors oui, certaines choses peuvent ne pas me servir mais en cas de problème, je ne suis jamais démuni :  alors peur ou pas peur ?

Réserver à l’avance implique que, peu importe la difficulté ou la fatigue, nous devons arriver au point prévu. Or, rien n’est pire que de se forcer pour se dégoûter de quelque chose. Je me suis donc dit qu’on ferait le Chemin au jour le jour ; je me fais confiance, je me débrouille toujours. Toutefois, les Canadiennes nous mettent en garde! La Covid qui a privé de marche de nombreuses personnes, le pont de l’Ascension et le fait que ce soit une année Jacquaire, c’est-à-dire que la Saint Jacques tombe un dimanche (ce qui se produit quatre fois tous les vingt-huit ans) : tout cela risque de nous poser des problèmes d’hébergement.

Elles nous disent aussi que c’est formidable d’assister à la messe avant le départ et de recevoir « la bénédiction des pèlerins » par le curé. 

Bon… moi, cela m’importe peu et surtout, je n’ai pas envie de démarrer avec 200 autres personnes en même temps mais je vois que cela plairait à Isabelle, non pas la messe en elle-même, mais ce fameux esprit communautaire et cette entraide sont les valeurs qui lui plaisaient dans ce chemin. Je ne veux pas qu’elle ait des regrets à cause de mes idées que je sais parfois un peu obtuses sur le sujet. 

Nous achetons une « crédenciale », sorte de passeport que tu fais tamponner à chaque étape et qui prouve que tu as bien fait le pèlerinage.

Tout le monde a une coquille de Saint Jacques accrochée à son sac à dos (sauf moi car je suis un rebelle). Isa en choisit une jolie peinte en rose fuchsia qui, je dois dire, va bien avec le bleu de son sac… le chic parisien, que voulez-vous !

Au Moyen-Âge, on ramenait sa coquille d’Espagne pour preuve d’avoir accompli le pèlerinage, car à l’époque on n’en trouvait nulle part ailleurs. 

C’est de là que la « Pecten maximus » a tiré son nom commun de « coquille saint Jacques ».

Le lendemain matin à 7h, nous nous rendons à la cathédrale. Il y a sûrement 200 personnes et une montagne de sacs à dos contre les murs.

C’est la seconde fois que j’assiste à une messe, la dernière c’était à Calcutta avec mère Teresa. Tout cela est bien trop sérieux pour moi, en revanche, je prie pour que personne ne me téléphone ; la sonnerie de mon portable (Les Bronzés font du ski) ne serait pas du meilleur effet dans cette solennité (ça me ferait rire, mais que moi, je pense). Comme prévu, à un moment je m’éclipse pour aller chercher du pain… 200 personnes à la boulangerie en même temps, je ne le sens pas trop.

En fait, je ne sais pas comment, mais même si tout le monde est sorti en même temps, les gens se sont dispersés et on est partis tranquilles.

C’est parti !

 

 

21Déc/22

Pourquoi Compostelle ?

tracé du chemin de Compostelle, article Pourquoi Compostelle?

Je pratique la randonnée depuis toujours. Lors de mes différentes marches, j’ai plusieurs fois croisé le chemin de Compostelle, mais il ne m’est jamais venu à l’esprit de le faire.

J’avais l’impression que les marcheurs de Compostelle étaient soit des allumés mystiques, soit des chrétiens un peu intégristes avec lesquels je ne voyais pas bien ce que j’aurais pu partager.

Pour me conforter dans mes idées

Il y a quatre ans, je faisais le tour du Lubéron et nous avions, mon fils et moi, rencontré un type sympathique, la soixantaine, qui en était à son troisième « chemin » par différentes voies. Il marchait 20 à 30 kilomètres par jour. Il partait le 24 octobre et programmait son arrivée à Compostelle le jour de Noël ! Devant ma surprise, car en trois mois de marche, on peut rencontrer tant de choses différentes pouvant nous ralentir (une blessure, s’égarer, des intempéries, une chaussure qui lâche, la perte de motivation, la fatigue …) il me répétait inlassablement quand je lui mentionnais tel ou tel imprévu : je marche !

Pourquoi Compostelle? La route

On s’approche de la philosophie de la Légion étrangère mais finalement pourquoi pas ? Chacun fait ce qu’il veut, recherche son plaisir, son équilibre où il le souhaite.

Toutefois, lorsqu’il me dit terminer les 300 derniers mètres à genoux (100m de plus à chaque voyage), là je tique un peu ! En effet, ses genoux présentaient de vilaines cicatrices.

La recherche du plaisir, le dépassement de soi, le lâcher-prise sont des notions, des valeurs qui me sont familières, que j’aime et que j’aime déployer quand je le peux : mais pourquoi chercher la souffrance ?

J’étais donc resté sur une certaine image du chemin de Compostelle.

Petit à petit l’oiseau fait son nid…

L’an dernier, alors que nous faisions le tour du Gers à vélo avec mon fils, nous avons fait halte dans un gîte à Condom où passaient de nombreux pèlerins. L’ambiance était très agréable et le patron avec qui j’avais sympathisé m’a dit que des allumés, il en voyait 1 à 2 par an, rarement plus, la plupart du temps c’était des gens ouverts et sympathiques, comme tout ceux avec lesquels nous discutions d’ailleurs… J’étais manifestement tombé sur un cas un peu particulier !

direction compostelle

Lors d’un voyage au nord du Portugal, Isabelle, ma compagne, a entendu parler de ce chemin dont on lui a vanté la beauté mais aussi et surtout la bienveillance, l’entraide qui règne entre pèlerins. Ça lui a parlé et lorsqu’elle a évoqué l’envie de faire le chemin, j’ai sauté sur l’occasion de lui faire partager ma passion.

J’ai commencé par faire des recherches afin de savoir d’où partir, une portion qui soit à la fois belle et pas trop difficile. Sur Facebook, tout le monde m’a conseillé de commencer du Puy-en-Velay.

Notre point d’arrivée dépendra de notre rythme. Isa est une grande « marcheuse urbaine », mais ne sachant pas comment elle marchera avec un sac à dos et dans la nature, je préfère ne rien réserver, je ne veux surtout pas la dégoûter. Dans une ville, elle me sèche, mais par les chemins, ça peut être différent.
Je ne prendrai pas la tente (pas toutes les émotions d’un coup !).

coquille saint-jacques symbôle du chemin de compostelle

Lorsque je lis des articles ou des commentaires sur le chemin de Compostelle, je note qu’il y a pas mal de gens à la recherche de quelque chose, d’eux-mêmes peut-être, certains un peu perdus, d’autres disent que « le chemin leur a sauvé la vie » … Wow !

Ma vie va très bien, j’aborderai ce chemin comme n’importe quelle randonnée, ce n’est rien de plus pour moi mais rien de moins.

Changera t-il ma vie ? Changerai-je d’idée en route ?

Je pars avec beaucoup d’idées préconçues, c’est l’un de mes défauts, j’en ai conscience et j’essayerai de m’en débarrasser. J’aime quand quelque chose ou quelqu’un me fait changer de point de vue sur un sujet, je n’ai pas un ego à ce point que je ne puisse reconnaître mes torts.

Ne dit-on pas que seuls les imbéciles ne changent pas d’avis ?