03Juin/23

Chefchaouen, Maroc 2022, une autre manière de « voyager »

Je suis un voyageur des années 90… pas de technologies mais un guide papier, sinon des infos glanées de-ci de-là entres voyageurs. Je ne cherche pas à dire que c’était mieux ou moins bien… c’est différent.

Aujourd’hui, on trouve son chemin au fin fond de la plus labyrinthique des médinas grâce au GPS de son téléphone. On cherche un resto ou un hôtel grâce à Trip Advisor et on le note… Certes ça a des avantages, mais j’ai un problème avec les notes !

D’un côté, je déteste cette idée de noter tout et n’importe quoi (et surtout n’importe qui). Ca me fait penser à un épisode de « Black Mirror ». D’un autre côté, je m’en sers pour choisir un restaurant ou un hôtel.

Dichotomie.

J’assume.

C’est ma compagne qui m’a fait découvrir Trip Advisor. Elle ne note pas, mais cela aiguille ses choix. Nous lisons souvent les notes négatives, c’est parfois amusant, parfois moins, mais cela dit des choses intéressantes voire symptomatiques sur l’évolution de notre société.

Des gens laissent des avis parfois très longs (me laissant penser qu’ils n’ont quand même pas grand-chose à faire dans leur vie) se plaignant du service, de l’attente, des quantités, de la qualité, de la déco et que sais-je encore…

Dans un restaurant ou un hôtel européen, c’est une chose. Mais quand tu payes 2 ou 3 € ton repas, dans un pays où la notion du temps est fort différente de la tienne, je dirais qu’en plus de faire partie de la bande des « fragiles offusqués », tu t’attribues le minable petit pouvoir de décrédibiliser un établissement où des gens font sans doute de leur mieux avec ce qu’ils ont pour s’en sortir.

Je t’attribue donc 2 étoiles sur 5 à toi « Sophdu56 » pour ton manque d’ouverture d’esprit !

Tu parles « d’une attente interminable » ? Sérieusement ? Dans un pays où la notion de « temps perdu » n’existe pas ? Où l’on t’apporte avec le sourire des olives et du pain en attendant ton plat ?

« Un service pas au top » … Mais tu t’attends à quoi quand tu commandes un tajine à 3€ dans un resto du souk ? Que le serveur ait été formé dans une des « top » écoles hôtelières qui bordent le lac Léman ?

« Un thé à la menthe trop sucré » ? Bien sûr, « Sophdu56 », tu connais mieux qu’un marocain l’exacte dosage !

Des offusqués comme toi, il y en a des centaines mais franchement, pathétique petite touriste, reste chez toi, tu seras plus heureuse !

Il y a toujours eu de grands débats sur la différence entre le voyageur et le touriste, chacun se voyant plutôt voyageur, bien sûr.

Pour moi, la différence c’est le temps. Ne pas avoir à courir d’une ville à une autre, d’un monument à l’autre, mais avoir le temps de prendre son temps, de perdre son temps, le temps de découvrir les gens, de comprendre leur culture et cela, quoi qu’on en dise, c’est compliqué à faire en deux semaines.

J’ai voyagé durant une dizaine d’années, aujourd’hui, j’assume d’être un touriste…

Mais pas encore un touriste 2.0 😉

11Mai/23

Instagram

De nombreux sites naturels à travers le monde se retrouvent aujourd’hui menacés par la fréquentation massive engendrée par ce tourisme 2.0 dont Instagram est l’un des piliers. Il va jusqu’à mettre en péril la nature et son écosystème, des villages, des gens…

En Thaïlande, l’île de Kho Phi Phi Ley où fut tourné le film « La plage » dut fermer plus de deux ans. En effet, ses eaux jadis cristallines durent faire face à l’afflux massif de plus de 5 000 visiteurs par jour !

Parmi eux, de nombreux Chinois ne restant que quelques dizaines de minutes, le temps de prendre quelques selfies avant de repartir sur les puissants hors-bords affrétés par des agences spécialisées !

Sur Instagram, les photos de vacances de rêve explosent ! En effet, il est toujours de bon ton de montrer sa merveilleuse vie (sa vie rêvée ?) sur internet. On cherche à avoir LA photo, celle qui nous fera briller auprès de nos abonnés.

Cette course au cliché engendre une folie de “surtourisme”. Des sites entiers se retrouvent assaillis de visiteurs faisant la queue pour LE selfie qui montrera à sa communauté qu’on était là !

Une petite île au large de Bali dont je tairai le nom (je l’ai connue si belle et tranquille), en est un autre témoin. Il y a une dizaine d’années, peu de touristes s’y aventuraient. Mais ça, c’était avant que des influenceurs aient découvert les beautés de ses plages tranquilles. A cause de cette publicité éclair, l’île est passée du coin calme et sauvage à un parc d’attractions pour touristes. On y fait la queue pas moins d’une heure pour prendre sa photo.

Deux policiers aux abords du spot font la circulation, laissant passer les gens au compte-goutte (contre une contribution aux bonnes œuvres de la police). Trois minutes par personne ! Sur Instagram, l’hashtag du nom de la plage s’élève à plus de 211 000 posts… presque autant que celui du mont Saint-Michel.

En France nous avons également de magnifiques sites qui, s’ils n’ont rien d’exotique à nos yeux d’Occidentaux, le sont assurément aux yeux d’un touriste étranger !

Ce surtourisme éclair et géolocalisé pose de vrais problèmes. En effet, cette présence trop importante de gens dégrade la nature. Les réseaux sociaux exacerbent les tensions en générant d’un coup une fréquentation massive sur un espace restreint.

Instagram braque la lumière sur des lieux jusqu’alors confidentiels qui se retrouvent face à un afflux massif de visiteurs alors qu’ils n’ont pas la capacité d’accueillir tout ce monde.

Ce site est-il suffisamment photogénique ? Fera-t-il rêver ma communauté ? Me rapportera-t-il des like ? Si oui : pose, air boudeur, bouche de canard, clic clac l’affaire est dans le sac !

L’« instagrammabilité » des lieux touristiques est devenue une vraie menace. Un embouteillage digne du périphérique parisien sous le pont d’Arc, en plein cœur des gorges de l’Ardèche ? Si, c’est possible !

Suite à quelques posts d’influenceurs (qui portent bien leur nom), la grande arche de pierre a vu défiler des touristes à pied, en canoë et en kayak.

Une fréquentation extrême, difficilement croyable sur la petite rivière encaissée ardéchoise.

Des Calanques de Cassis aux champs de lavande de Provence, en passant par les gorges du Verdon, plusieurs sites ont dû être fermés au public, au moins momentanément.

La France est la première destination touristique mondiale avec 90 millions de visiteurs internationaux en 2019. Elle souffre donc de plus en plus de ce « surtourisme ».

Parmi les victimes de ce fléau 2.0, les paysages « instagrammables » se retrouvent en première ligne. Sur les réseaux sociaux, les internautes cherchent à publier l’image qui leur remportera des « like ».

Or dans la vraie vie, le rocher ou l’arbre au tronc courbe et bucolique, la jolie vue sur un champ de tournesols attirent une vraie foule en quête du même cadrage, du même point de vue.

Un mimétisme grotesque qui questionne, car dans ces paysages, c’est toujours le même exact endroit sous le même angle que la photo est prise alors qu’à quelques centaines de mètres, la campagne est déserte !

28Avr/23

Chefchaouen, Maroc 2022, une autre manière de voyager

Il y a des années, j’avais été « pris en main » par un guide à Agra en Inde. Celui-ci m’a conduit vers les meilleurs endroits pour photographier le Taj Mahal. Il les avait préalablement repérés dans un livre.

Des lieux sur lesquels des photographes à force de temps, de patience et de recherche avaient réussi leurs plus beaux clichés : sous une arche afin d’encadrer ma photo, derrière un arbre pour lui donner plus de profondeur, à un point précis devant les fontaines où le mausolée se reflète entièrement, etc…

J’avais trouvé l’idée excellente car cela m’aurait pris des heures pour les découvrir et puis j’ai toujours aimé l’inventivité de l’économie de la misère…

Chefchaouen est connue au Maroc comme « la ville bleue ». Elle est merveilleusement photogénique.

Elle se trouve au Nord du Pays, non loin de Tanger, dans les montagnes du Rif. Tout autour poussent à perte de vue des champs de cannabis qui apportent une touche de vert à l’ocre des montagnes. Nous y passons quelques jours car l’endroit est agréable.

Je découvre ici un autre métier : « guide Instagram ».

Les guides amènent des touristes sur la dizaine de sites « Instagrammables » c’est-à-dire des endroits où des influenceuses plus ou moins célèbres se sont prises en photo et les ont postées.

Ils t’aident à prendre la pose, arrangent ta robe, ton chapeau, rectifient ton port de tête et te mitraillent avec ton portable.

J’avais vu cinq Chinoises toutes vêtues de robes rouges, jaunes ou encore vert éclatant portant de grands chapeaux assortis. Je trouvais leurs tenues étonnamment élégantes pour se promener dans un souk… En fait, elles sont venues pour se faire tirer le portrait aux mêmes endroits que leurs influenceuses préférées. La couleur de leur tenue avait été soigneusement choisie pour trancher avec le bleu des murs de la ville.

Elles attendent sagement, en file indienne que leurs amies aient fini pour prendre la pose à leur tour. Une fois le marathon Instagram terminé, elles sautent dans le bus pour Tanger (2h30) où les attendent sans doute leurs maris pour finir leur voyage.

Par curiosité, j’ai bu un thé avec Youssef, l’un de ces guides. Il vit de cela, me dit-il. Elles arrivent le matin, se font photographier et repartent ensuite.

Ce n’est plus le voyage, l’échange culturel, la découverte de la gastronomie ou de la musique qui compte mais la bonne photo au bon endroit !

J’ai toujours favorisé la rencontre avec l’autre. C’est cela plus que le reste qui m’attirait dans les voyages. Je pense pouvoir dire que je suis ouvert d’esprit mais là, je n’arrive pas à comprendre ce narcissisme, ce désintérêt de l’autre au bénéfice du sien.

Serais-je devenu un vieux con ?

Peut-être, mais pas sûr !

21Avr/23

Cahors – Saint-Cirq-Lapopie

Le Lot en automne est une merveille. Ce n’est qu’une question de jours avant que les feuilles soient soufflées par les vents et laissent les arbres nus. Nous prenons nos sacs à dos.

Nous arrivons à Cahors en fin d’après-midi et nous installons dans un gîte d’étape sur le chemin de Compostelle. C’est la fin de la saison et nous sommes seuls dans une belle grande chambre de cette ancienne maison de famille. 

Le lendemain, le maître des lieux, un cadurcien de souche, nous a préparé un super petit-déjeuner : ses confitures maisons sont un régal sur la baguette fraîche.

Nous partons vers le village de Vers par de jolis sentiers traversant les forêts enflammées des couleurs d’automne. Chaque arbre, du chêne au noyer en passant par les peupliers, flamboie sous un magnifique ciel bleu.

En marchant je laisse mon esprit vagabonder. Je « lâche prise » et laisse mille pensées arriver, repartir puis revenir. Les plus importantes décisions que j’ai prise dans ma vie, celles qui ont eu une incidence sur son cours, l’ont toutes été dans cet état où je laisse mon esprit accueillir ce qui vient et garder ce qu’il veut. Et ce furent toujours les bonnes décisions.

« Le Chemin m’a sauvé la vie », est une phrase que j’ai lue plusieurs fois sur les forums. Au début elle me paraissait incongrue, mais je pense mieux la comprendre maintenant. Le quotidien de nombre d’entre nous est fait d’une course insensée après le temps. 

On ne s’accorde pas de temps pour soi entre le travail, les enfants, les tâches ménagères… À force de courir dans tous les sens, nous ne savons plus pourquoi nous avançons et ne sommes plus satisfaits de rien puisque rien n’a de fin. 

Quand on marche, on se retrouve face à soi-même, on fait le point et on se remet en cause. On peut aussi « prendre le temps de prendre son temps » comme disait Alexandre le bienheureux (mon maître à penser ;-)).

La plupart d’entre nous sont des urbains et évoluer dans la nature entouré du chant des oiseaux et du bruissement des arbres ne peut qu’être bénéfique pour le cheminement intérieur. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu besoin de me retrouver dans la nature. J’habitais à Bruxelles mais allais souvent voir mes grands-parents dans les Ardennes belges.

Lorsque trop de temps s’écoulait sans y aller, j’insistais auprès de mes parents pour y retourner. Même enfant, j’avais besoin de ce contact. Je partais à la pêche avec mon grand-père et plus tard, dans les bois pour de longues balades. Lorsqu’on marche en dehors de son milieu naturel il faut trouver de nouveaux repères. Je comprends que des gens aient le sentiment de se sauver en réfléchissant et en prenant des décisions qui changent leur vie. Mais alors ce n’est pas le Chemin mais la marche qui les sauve.

        Arrivé à Vers, nous allons, une fois n’est pas coutume, dans un 3 étoiles qui est en fait le seul hôtel du village. Quel plaisir après plusieurs heures de marche de se relaxer les muscles dans un hammam, de nager et se plonger dans le jacuzzi… Et le soir, festin Quercynois à base de foie gras, d’épaule d’agneau confite et d’une tarte aux noix maison… La vie est belle ! 

Le lendemain, nous marchons vers Saint-Cirq-Lapopie. Nous continuons dans des paysages sublimes, nous suivons les méandres du Lot et passons par le chemin de halage creusé dans la falaise. Saint-Cirq-Lapopie est une autre merveille de village médiéval superbement entretenu. Une fois installés dans le gîte des pèlerins de Compostelle, nous nous promenons jusqu’au coucher du soleil et poursuivons le lendemain à l’aube. 

Puis c’est le retour à Cahors avec des gens sympas rencontrés dans le gîte et enfin, Toulouse. 

Nous avons de la chance d’habiter dans ce coin de France ! 

14Avr/23

St Chély d’Aubrac – Figeac

Nous reprenons notre périple à partir de Saint Chély d’Aubrac, là où nous l’avions laissé la dernière fois. L’étape jusqu’au joli village de Saint Côme d’Olt n’est pas bien longue, 4h de marche tout au plus.

Les paysages sont beaux mais après l’été caniculaire, tout est brûlé… ça contraste tellement avec la verdoyance du mois de mai !

Nous marchons beaucoup sur des routes goudronnées. Je préfère bien sûr la pleine nature et les chemins sauvages mais pour l’instant, nous alternons avec des champs ou des bois… Trop marcher en forêt devient lassant. Heureusement, de fréquentes percées nous permettent d’apprécier les beaux paysages alentours doucement vallonnés.

Nous faisons halte à Estaing. Le village d’où est originaire la famille de Valéry Giscard d’Estaing. C’est intéressant de voir que le château, racheté en 2005 par le Président (avec les diamants de Bokassa ? 😇), a été plusieurs fois confisqué puis restitué à sa famille. De plus, nombre de ses membres qui y demeurèrent et eurent une influence sur le pays d’un point de vue politique, religieux ou militaire…

Ce village est d’une grande beauté !

Le soir au restaurant, je me dis que cette marche est agréable et confortable pour moi qui suis habitué aux rustiques bivouacs perdus en montagne, où je me douche dans les torrents glacés, je prends mes repas avec des sachets lyophilisés ou quelques fruits secs et ma chambre est une tente, un hamac ou la belle étoile. Ici, nous faisons transporter nos sacs, nous logeons dans de beaux gîtes et apprécions les délicieuses spécialités locales… Ce n’est pas désagréable.

54 ans serait-il l’âge de l’embourgeoisement ?

Isa et moi n’avons pas le même rythme. Sur le plat, si elle décide de démarrer, elle me laisse sur place. Par contre dans les montées, elle ne me suit pas. Elle n’aime pas trop s’arrêter, moi par contre… Malgré tout, nous nous attendons, marchons côte à côte, parfois main dans la main. Une fois un pèlerin nous dit « c’est chouette de vous voir marcher main dans la main, vous êtes trop mignons »… A 54 ans, j’aime bien qu’on me dise que je suis mignon !

Arrivée à Conques après 6h de marche assez soutenue, souvent sur des routes où j’alterne mes nouvelles chaussures de randonnée avec des chaussures de footing car aucune chaussure de randonnée n’est vraiment adaptée à l’asphalte. La plante des pieds chauffe, les chocs se ressentent plus durement et à la fin de la semaine, nous ressentons des douleurs articulaires et tendineuses comme jamais auparavant. Je marche avec une genouillère car mon genou se rappelle à mon bon souvenir alors qu’il me laissait tranquille depuis des années.

La plus jolie ville que j’ai vue jusqu’à présent est Luang Prabang au Laos (j’y avais séjourné quelques temps en 1995). Mais bien que la comparaison soit difficile, je dois dire que Conques est un bijou dans son écrin !

J’ai l’impression d’être au Moyen-Âge. Les maisons sont parfaitement conservées. Au coin de chaque petite ruelle, on s’attend à voir surgir un chevalier ou des gueux en guenilles. Tous les toits sont en lauze, parfaitement entretenus. C’est aussi à cela peut-être qu’on mesure le développement d’un pays. Il y a quelques mois nous étions au Maroc, à Fès. La ville et surtout ses riads sont d’une beauté incomparable et c’est un crève-cœur de les voir se délabrer, se désagréger et tomber en ruine sous le poids des ans et de l’inaction des hommes.

J’apprécie aussi les commerces de Conques. On trouve un magasin d’articles en cuir réalisés par un artisan local, les couteaux présentés dans la coutellerie sont forgés dans le village, etc… On ne tombe pas comme dans la plupart des petites villes touristiques sur des dizaines de boutiques vendant les mêmes bricoles de l’artisanat indonésien ou chinois… du cheap pour attrape-nigauds. Je crache un peu dans la soupe vu que j’en ai importé par containers entiers, mais ça, c’était dans une autre vie.

Nous dormons dans l’accueil des pèlerins de l’abbaye Sainte-Foy.

Le soir, un moine explique à l’assemblée la signification des sculptures ornant le fronton de l’abbaye. Impossible de les décrypter à moins d’être un médiéviste averti. Il le fait avec simplicité et humour, nous plonge dans le Moyen-Âge, contextualise l’époque et les hommes.

J’aurais aimé passer plus de temps ici et échanger avec lui sur sa vie, sa vision du monde, la religion, moi qui suis athée.

En repartant, nous nous interrogeons sur les pèlerins au Moyen-Âge. Pas de beaux sacs à dos ni de bonnes chaussures, pas de bons restaurants le soir, ni d’hôtels confortables. Pas d’argent, difficile de faire confiance aux gens vu le nombre de faux pèlerins détrousseurs et bandits de grands chemins… Manger, se loger, tout était compliqué.

Ils méritaient leur coquillage !

Appréciaient-ils le paysage comme nous l’apprécions ? Pas sûr, le rapport à la nature n’était sans doute pas le même et quant aux villages que nous traversons, je doute qu’ils étaient aussi fleuris et proprets à l’époque. Et une fois arrivé, la mer… j’ai du mal à imaginer le choc que cela pouvait représenter de voir cette étendue d’eau infinie après des mois de souffrance et d’efforts.

Une anecdote m’est revenue. Dans les années 90, j’encadrais des jeunes dans les montagnes en Corse. Un de nos amis guide nous racontait que sa grand-mère était décédée sans avoir jamais vu la mer. Elle n’était pour ainsi dire jamais sortie de son petit village non loin de Corte…

J’ai entendu plusieurs fois des gens parler de « l’énergie du Chemin ». « Si tu veux quelque chose, il suffit de te connecter au Chemin, à l’univers, et tu obtiens ce que tu désires » … Quand j’entends cela, j’ai l’impression de me retrouver en Inde. Il n’y a que là que j’ai pu entendu ce genre de délire.

J’ai demandé au chemin de gagner au loto, ça n’a pas marché. Surprenant !

Nous continuons notre route, cueillant parfois une pomme ou une grappe de raisins sucrée et rafraichissante.

20 à 25 km par jour surtout sur des routes goudronnées, ça tire partout, les genoux, les pieds, les tendons, le dos mais après trois jours, même si on se lève un peu rouillé, tout rentre dans l’ordre après quelques pas et le désir d’avancer est de plus en plus fort. La magie du chemin ? 😇

Dans la randonnée comme dans bien d’autres sports, le physique a son rôle à jouer, mais rarement plus de 30%, les 70% restant, c’est le mental.

Nous arrivons à Figeac, notre étape finale pour cette fois. Nous savions que nous n’aurions pas le temps de la visiter car notre train n’attendra pas.

Il y a quelques semaines, nous avions donc pris soin d’y passer un weekend de trois jours en amoureux… Magnifique petite ville.

Cette portion fut moins intéressante en termes de nature car nous avons beaucoup marché sur les routes. Même si celles-ci restent peu fréquentées, ça reste de l’asphalte et ce n’est pas agréable. Mais cet inconvénient fut compensé par la beauté sans pareil des villages. En 6 jours nous avons traversé 4 des villages répertoriés comme « plus beaux villages de France ».

15Mar/23

Aumont Aubrac – les Quatre Chemins – Nasbinal – St Chély d’Aubrac

Nous avons quelques jours de libre et comme nous habitons Toulouse, il est facile de reprendre le chemin où nous l’avions laissé la dernière fois.

Nous nous sommes équipés de nouvelles chaussures. En effet mes chaussures de montagne ne sont pas adaptées à ces chemins plats et tranquilles. Il me faut quelque chose de plus souple et léger, j’ai donc laissé mes Salomon pour des Scarpa achetées après de longs essayages au Vieux Campeur. Isa a opté pour des North Face de trail, légères et confortables.

Nous arrivons à Aumont Aubrac par un petit train.

Pour notre premier jour de marche, nous ne sommes pas vraiment gâtés par les paysages, les fortes chaleurs de cet été ont tout brûlé. L’herbe est jaune, pas une seule fleur.

Nous arrivons fatigués après seulement quatre heures de marche… il va falloir reprendre le rythme !

Une douche nous remet d’aplomb et nous nous installons à l’ombre pour discuter et nous étirer.

Le soir, nous sommes une douzaine au gîte et conversons agréablement autour d’un bon repas. Même si j’ai bu durant la journée, je vide un litre et demi d’eau fraiche presque d’un coup.

La dame du gîte vient s’asseoir avec nous, on parle un peu d’elle, de son parcours, du nôtre et puis elle a cette réflexion que je trouve intéressante : « Sur le chemin, les gens sont plus solidaires que sur les autres chemins de randonnées, il y a plus de bienveillance qu’ailleurs ». La tablée acquiesce.

Moi, je n’ai pas remarqué cela et lui demande où elle a déjà marché : « Nulle part, je ne suis pas vraiment une marcheuse » me répond-elle !  Elle n’a même pas fait le Chemin (juste une portion de quatre jours).

En fait, elle ânonne ce qu’elle a entendu ici ou là…

Je trouve qu’il y a de nombreux clichés sur ce Chemin. Beaucoup n’ont jamais fait de randonnées et trouvent formidable cette solidarité entres marcheurs. Mais elle existe partout en montagne et pour une raison simple. Nous sommes tous « frères et sœurs dans l’effort, dans la souffrance et puis aussi dans l’admiration de la beauté et dans le bonheur d’être arrivé ».

Nous partageons en général des valeurs communes. Lorsqu’on arrive dans un refuge, on se sert dans le stock de bois pour faire du feu mais ensuite on le reconstitue afin que le suivant puisse en profiter. On ne le connait pas, on ne l’a jamais vu et on ne le verra sans doute jamais. Mais on le fait, car ça fait partie des valeurs de solidarité que l’on retrouve en montagne. Plusieurs fois j’ai pris sur une portion de chemin le sac d’une personne en difficulté, je lui ai donné de l’eau ou j’ai partagé une barre de céréale. L’inverse s’est toujours vérifié aussi bien sûr !

Nous partons assez tôt ce matin car on annonce de grosses chaleurs.

Nous attaquons le plateau de l’Aubrac. Un haut plateau ouvert, ondulé, ponctué de blocs granitiques et de troupeaux, de lacs bordés de murets où le regard se perd à l’horizon…

Une nature rustique, brute et sauvage balayée par les vents. D’ailleurs, le vent est tellement fort aujourd’hui que nous devons marcher arc-bouté, nous devons crier pour nous comprendre et bien sûr il souffle de face !

Il n’y a pas d’ombre sur le plateau et le soleil tape dur. On ne le sent pas, mais il faut se protéger.

Nous arrivons fatigués mais heureux de notre journée.

Nasbinals est une jolie petite bourgade mais un trail annuel s’y déroule et tout était plein à l’exception du camping municipal. Le vent était déjà costaud lorsqu’on a monté la tente mais la nuit, une tempête s’est levée et nous n’avons quasiment pas fermé l’œil !

Pour sa première nuit en camping, Isa fut servie… vivement un bivouac 😉 !

Nous finissons à Saint-Chely d’Aubrac où Isa avait réservé une roulotte le long de la rivière dans un gîte. Malgré le lieu enchanteur, je ne me sens pas très bien. Je dors mal et me sens faible. Je ne le sais pas encore mais je rentre avec la Covid !

Je suis passé au travers durant toute la période critique et je l’attrape en pleine nature !

16Fév/23

Saugues – St Alban – Les Estrets – Aumont Aubrac

Le jour suivant, nous arrivons après 4h de marche à Faux, on est presque surpris !

Normalement, ce sont les trois premiers jours qui sont difficiles mais là, une étape courte, ça fait du bien, car enchaîner de longues journées n’est pas si simple. Outre les douleurs musculaires et tendineuses, la fatigue s’accumule. Nous ne portons qu’un sac avec le minimum nécessaire, l’autre est transporté par une navette. Si on m’avait dit que je ne porterais pas mon sac lorsque j’avais 25 ans et que je faisais des expéditions au Népal, dans les jungles du Triangle d’or entre la Thaïlande, le Laos et la Birmanie ou même en France, j’aurais eu un ricanement méprisant en affirmant que jamais je ne ferai porter mon sac : une rando c’est avec son sac sur le dos !

Et puis, on gagne en âge et en sagesse !

Nous arrivons donc tôt au gîte de Franck, le sosie de Gad Elmaleh. Notre sac n’est pas encore arrivé et après un casse-croûte nous faisons une sieste. Franck est savoyard et il a repris une ruine sur le chemin. Il voulait s’occuper d’un gîte n’importe où, mais sur le Chemin. Il l’a fait deux fois, et nous dit, que selon lui, le plus beau est celui qui part de Genève. On dort chez l’habitant, on fonctionne au « Donativo », c’est-à-dire qu’on laisse ce que l’on veut, ce que l’on peut… J’aime bien cette idée. Bien sûr tout le monde doit jouer le jeu en fonction de ses moyens mais donner quelques euros de plus pour permettre à un autre, que je ne connais pas et qui est moins fortuné, de faire le chemin est une idée qui me plaît !

Nous mangeons avec délice une salade suivie de la meilleure tartiflette de ma vie puis d’une délicieuse crème brûlée. En fait, quand on marche, on retrouve les valeurs premières et une gorgée d’eau ou une simple pomme deviennent un délice.

Nous sommes une dizaine autour de la table, Isabelle toujours sociable discute avec tout le monde, comme moi d’ailleurs.

La rando se termine ce soir à Aumont en Aubrac après 3h de marche seulement. Nous sommes un peu frustrés par la brièveté du trajet mais il nous faut une gare pour pouvoir rentrer à Toulouse.

La journée, si courte fut-elle, nous fit traverser des champs de bleuets et retrouver toujours ce parfum entêtant des genêts sauvages.

Tous ici font grand cas de la bête du Gévaudan. Il y a des statues partout. Nous finissons au resto sur une entrecôte et un aligot. Il fallait bien que je goûte une de ces magnifiques vaches avant de rentrer quand même !

Si j’ai entendu des « je n’ai pas encore trouvé ce que je cherche », « le Chemin m’a sauvé la vie », etc… Je n’ai pas vu de pèlerins avancer plein de componction en récitant des « je vous salue Marie » ou marcher à genoux… plutôt des gens sympathiques et ouverts.

Qui se ressemble s’assemble me direz-vous, c’est peut-être la raison pour laquelle je n’ai pas encore rencontré d’illuminés.

Pourtant, je suis curieux, j’aimerais savoir en quoi ce chemin sauve la vie de gens. Pourquoi certains choisissent de faire cette rando plutôt qu’une autre. Pourquoi plusieurs fois alors qu’il y a tant de chemins magnifiques en France…

Nous verrons cela la prochaine fois peut-être !

Car nous comptons bien le continuer.

01Fév/23

Puy-en-Velay – St Privât d’Allier – Saugues

Très belle étape de 6h30, assez facile. Pas de vrais dénivelés, un magnifique paysage ouvert, légèrement vallonné par les vieux volcans auvergnats. Un superbe patchwork de différentes teintes de vert nous accompagnera jusqu’au plateau de l’Aubrac. Des champs de blé vert tendre, ceux de lentilles tirant sur le kaki et surtout des genêts jaunes flamboyants illuminent ce paysage.

Sans que le chemin soit encombré, on croise quand même pas mal de pèlerins.
Des groupes, des gens isolés, des marcheurs du dimanche avec leurs bâtons réglés trop courts ou trop hauts pour être efficaces, leurs sacs mal ajustés les tirant vers l’arrière, d’autres avec un bâton de bois. Il y a de tout.

St Privât d’Allier

En fin d’après-midi nous arrivons à St Privât d’Allier. Nous restons dans un gîte tenu par un couple d’Anglais avec une douzaine de personnes, l’ambiance est sympathique, le repas du soir simple et copieux. On dort en dortoir mais nous sommes isolés des autres par des rideaux.

Nous reprenons notre route. Les champs sont piqués de fleurs sauvages, jalonnés de pins, de bouleaux et de chênes moussus. De belles vaches paissent tranquillement dans des champs. Nous marchons avec plaisir en conversant. Isa, comme à son habitude, prend beaucoup de photos. Nous croisons une pèlerine qui à chaque calvaire rencontré, pose son sac, sort un petit papier et fait une prière… Vu le nombre, elle n’est pas rendue !

Journée de 6h, plus difficile en raison des dénivelés, jusqu’à Saugues.

Saugues

Nous faisons nos réservations au jour le jour mais devons modifier certaines étapes en les allongeant faute de place. Isabelle marche très bien mais aujourd’hui, après 9h, elle, toujours joyeuse et prête à discuter ne parle plus. Elle n’en pouvait plus et j’avoue que j’en avais assez moi aussi. Ce n’est plus du plaisir mais nous n’avons pas le choix : l’étape du Sauvage était full ! ! Le soir au resto, nous entendons deux Belges dire qu’ils rentrent car ils ne trouvent pas de place où dormir !

Nous arrivons à Saint-Alban-sur-Limagnole, un bel endroit, on est 7 dans un dortoir de 14 places. On prend souvent la demi-pension car il n’y a pas toujours de resto. Le soir, on se régale d’une délicieuse blanquette de veau puis nous nous écroulons sur nos lits.

 

Les maisons sont magnifiques par ici, de grosses bâtisses en pierres de taille avec toit en lauze.


Je pense que le fait que nous soyons un couple mixte fait que les gens nous remarquent et se souviennent de nous, ils nous saluent, nous disent qu’ils nous ont vu ici ou là… N’étant pas physionomiste (cela m’a joué suffisamment de tours dans ma vie professionnelle) je fais comme tous les commerçants, je souris, je salue jovialement, je dis que ça me fait plaisir de les voir et leur demande comment ça s’est passé pour vous aujourd’hui ?

 

Je suis un gros menteur, Dieu me jugera !

05Jan/23

Toujours Compostelle !

Le Puy-en-Velay n’est pas aisément accessible de Toulouse. Un avion jusqu’à Lyon, puis un train vers St Etienne et enfin le Puy.

Voyage long mais on n’est pas déçus. Après une journée passée à Lyon, nous arrivons au Puy. Jolie petite ville avec « Notre Dame de France », une Vierge de 22 mètres, toute en métal de canons fondus perchée sur un piton rocheux. 

Canon du Puy en Velay, Toujours Compostelle

En face, une petite chapelle plantée sur l’autre cheminée volcanique de la ville : Saint-Michel d’Aiguilhe : mignonne, fraîche et calme avec cette odeur de bougie fondue si caractéristique.

En fin d’après-midi, nous allons à « l’accueil pèlerins » nous y sommes reçus chaleureusement avec un verre de verveine (au Puy en Velay, on boit de la verveine en alcool, en pisse-mémé ou en boisson rafraichissante… et on mange des lentilles). 

Nous discutons avec d’autres pèlerins (ici, on n’est pas randonneur mais « pèlerin » ou « Jacquet »). Nous sympathisons avec trois Canadiennes et une Allemande qui est partie de Cologne et ira jusqu’à Compostelle : 4000 km ! 

coquille saint-jacques symbôle - Toujours Compostelle

Je retrouve des phrases toutes faites, des expressions que j’ai lues dans le guide ou sur Facebook, sur « Le Chemin », le Camino, on se souhaite « Buen camino », « Ultreïa » (une expression d’encouragement et de soutien entre marcheurs). J’entends parler de « l’appel du Chemin », de « l’esprit du chemin » ou encore de « l’esprit pèlerin »… J’écoute, je ne sais pas ce que cela signifie… le savent-ils eux-mêmes ?

Une des Canadiennes nous demande combien pèse notre sac, « je ne sais pas…  8 ou 9 kilos environ et le tien » ? Elle se redresse souriante « 7,2 Kg ». Une autre me dit fièrement « 6,4 Kg », la troisième « 6,8 Kg » … c’est l’une des grandes préoccupations (légitime) de beaucoup de pèlerins, presque une obsession. C’est là qu’interviennent les théories fumeuses « ton sac ne doit pas dépasser 10% du poids de ton corps » (ce qui est absurde) et le très commun « ce sont tes peurs que tu transportes avec toi dans ton sac » … Moi qui pars souvent en bivouac de plusieurs jours, parfois en haute montagne, je ne laisse rien au hasard, alors oui, certaines choses peuvent ne pas me servir mais en cas de problème, je ne suis jamais démuni :  alors peur ou pas peur ?

Réserver à l’avance implique que, peu importe la difficulté ou la fatigue, nous devons arriver au point prévu. Or, rien n’est pire que de se forcer pour se dégoûter de quelque chose. Je me suis donc dit qu’on ferait le Chemin au jour le jour ; je me fais confiance, je me débrouille toujours. Toutefois, les Canadiennes nous mettent en garde! La Covid qui a privé de marche de nombreuses personnes, le pont de l’Ascension et le fait que ce soit une année Jacquaire, c’est-à-dire que la Saint Jacques tombe un dimanche (ce qui se produit quatre fois tous les vingt-huit ans) : tout cela risque de nous poser des problèmes d’hébergement.

Elles nous disent aussi que c’est formidable d’assister à la messe avant le départ et de recevoir « la bénédiction des pèlerins » par le curé. 

Bon… moi, cela m’importe peu et surtout, je n’ai pas envie de démarrer avec 200 autres personnes en même temps mais je vois que cela plairait à Isabelle, non pas la messe en elle-même, mais ce fameux esprit communautaire et cette entraide sont les valeurs qui lui plaisaient dans ce chemin. Je ne veux pas qu’elle ait des regrets à cause de mes idées que je sais parfois un peu obtuses sur le sujet. 

Nous achetons une « crédenciale », sorte de passeport que tu fais tamponner à chaque étape et qui prouve que tu as bien fait le pèlerinage.

Tout le monde a une coquille de Saint Jacques accrochée à son sac à dos (sauf moi car je suis un rebelle). Isa en choisit une jolie peinte en rose fuchsia qui, je dois dire, va bien avec le bleu de son sac… le chic parisien, que voulez-vous !

Au Moyen-Âge, on ramenait sa coquille d’Espagne pour preuve d’avoir accompli le pèlerinage, car à l’époque on n’en trouvait nulle part ailleurs. 

C’est de là que la « Pecten maximus » a tiré son nom commun de « coquille saint Jacques ».

Le lendemain matin à 7h, nous nous rendons à la cathédrale. Il y a sûrement 200 personnes et une montagne de sacs à dos contre les murs.

C’est la seconde fois que j’assiste à une messe, la dernière c’était à Calcutta avec mère Teresa. Tout cela est bien trop sérieux pour moi, en revanche, je prie pour que personne ne me téléphone ; la sonnerie de mon portable (Les Bronzés font du ski) ne serait pas du meilleur effet dans cette solennité (ça me ferait rire, mais que moi, je pense). Comme prévu, à un moment je m’éclipse pour aller chercher du pain… 200 personnes à la boulangerie en même temps, je ne le sens pas trop.

En fait, je ne sais pas comment, mais même si tout le monde est sorti en même temps, les gens se sont dispersés et on est partis tranquilles.

C’est parti !

 

 

21Déc/22

Pourquoi Compostelle ?

tracé du chemin de Compostelle, article Pourquoi Compostelle?

Je pratique la randonnée depuis toujours. Lors de mes différentes marches, j’ai plusieurs fois croisé le chemin de Compostelle, mais il ne m’est jamais venu à l’esprit de le faire.

J’avais l’impression que les marcheurs de Compostelle étaient soit des allumés mystiques, soit des chrétiens un peu intégristes avec lesquels je ne voyais pas bien ce que j’aurais pu partager.

Pour me conforter dans mes idées

Il y a quatre ans, je faisais le tour du Lubéron et nous avions, mon fils et moi, rencontré un type sympathique, la soixantaine, qui en était à son troisième « chemin » par différentes voies. Il marchait 20 à 30 kilomètres par jour. Il partait le 24 octobre et programmait son arrivée à Compostelle le jour de Noël ! Devant ma surprise, car en trois mois de marche, on peut rencontrer tant de choses différentes pouvant nous ralentir (une blessure, s’égarer, des intempéries, une chaussure qui lâche, la perte de motivation, la fatigue …) il me répétait inlassablement quand je lui mentionnais tel ou tel imprévu : je marche !

Pourquoi Compostelle? La route

On s’approche de la philosophie de la Légion étrangère mais finalement pourquoi pas ? Chacun fait ce qu’il veut, recherche son plaisir, son équilibre où il le souhaite.

Toutefois, lorsqu’il me dit terminer les 300 derniers mètres à genoux (100m de plus à chaque voyage), là je tique un peu ! En effet, ses genoux présentaient de vilaines cicatrices.

La recherche du plaisir, le dépassement de soi, le lâcher-prise sont des notions, des valeurs qui me sont familières, que j’aime et que j’aime déployer quand je le peux : mais pourquoi chercher la souffrance ?

J’étais donc resté sur une certaine image du chemin de Compostelle.

Petit à petit l’oiseau fait son nid…

L’an dernier, alors que nous faisions le tour du Gers à vélo avec mon fils, nous avons fait halte dans un gîte à Condom où passaient de nombreux pèlerins. L’ambiance était très agréable et le patron avec qui j’avais sympathisé m’a dit que des allumés, il en voyait 1 à 2 par an, rarement plus, la plupart du temps c’était des gens ouverts et sympathiques, comme tout ceux avec lesquels nous discutions d’ailleurs… J’étais manifestement tombé sur un cas un peu particulier !

direction compostelle

Lors d’un voyage au nord du Portugal, Isabelle, ma compagne, a entendu parler de ce chemin dont on lui a vanté la beauté mais aussi et surtout la bienveillance, l’entraide qui règne entre pèlerins. Ça lui a parlé et lorsqu’elle a évoqué l’envie de faire le chemin, j’ai sauté sur l’occasion de lui faire partager ma passion.

J’ai commencé par faire des recherches afin de savoir d’où partir, une portion qui soit à la fois belle et pas trop difficile. Sur Facebook, tout le monde m’a conseillé de commencer du Puy-en-Velay.

Notre point d’arrivée dépendra de notre rythme. Isa est une grande « marcheuse urbaine », mais ne sachant pas comment elle marchera avec un sac à dos et dans la nature, je préfère ne rien réserver, je ne veux surtout pas la dégoûter. Dans une ville, elle me sèche, mais par les chemins, ça peut être différent.
Je ne prendrai pas la tente (pas toutes les émotions d’un coup !).

coquille saint-jacques symbôle du chemin de compostelle

Lorsque je lis des articles ou des commentaires sur le chemin de Compostelle, je note qu’il y a pas mal de gens à la recherche de quelque chose, d’eux-mêmes peut-être, certains un peu perdus, d’autres disent que « le chemin leur a sauvé la vie » … Wow !

Ma vie va très bien, j’aborderai ce chemin comme n’importe quelle randonnée, ce n’est rien de plus pour moi mais rien de moins.

Changera t-il ma vie ? Changerai-je d’idée en route ?

Je pars avec beaucoup d’idées préconçues, c’est l’un de mes défauts, j’en ai conscience et j’essayerai de m’en débarrasser. J’aime quand quelque chose ou quelqu’un me fait changer de point de vue sur un sujet, je n’ai pas un ego à ce point que je ne puisse reconnaître mes torts.

Ne dit-on pas que seuls les imbéciles ne changent pas d’avis ?